DURAND DE DOUAI
DURAND DE DOUAI
Les Trois Boçus Menesterels
La Farce des trois bossus
Seignor, se vous volez atendre Messieurs,
Si vous voulez bien me prêter attention
Et .I. seul petitet entendre,
Et m'écouter un petit instant,
Jà de mot ne vous mentirai,
En vérité, en rien je ne vous mentirai,
Mès tout en rime vous dirai
Mais tout en rime vous dirai
D'une aventure le fablel.
D'une aventure le récit.
Jadis avint à .I. chastel,
Au temps jadis, dans une ville fortifiée
Mès le nom oublié en ai,
Dont j'ai oublié le nom,
Or soit aussi comme à Douay,
Disons que c'était à Douai,
.I. borgois i avoit manant,
Vivait un bourgeois
Qui du sien vivoit belemant.
Qui vivait confortablement de ses rentes.
Biaus hom ert, et de bons amis,
Il était bel homme et avait de bons amis,
Des borgois toz li plus eslis,
Toute l'élite des bourgeois de la ville.
Mès n'avoit mie grant avoir ;
Mais sa fortune n'était pas très grande ;
Si s'en savoit si bien avoir
Cependant, il savait si bien s'y prendre,
Que moult ert créuz par la vile.
Qu'on croyait en ville qu'il était fort riche.
Il avoit une bele fille,
Il avait une fille très belle,
Si bele que c'ert uns delis,
Si belle que c'était un délice.
Et, se le voir vous en devis,
Et à dire vrai,
Je ne cuit qu'ainz féist Nature
Je pense que jamais Nature ne fit
Nule plus bele créature.
Plus belle créature.
De sa biauté n'ai or que fère
Mais de sa beauté, j'éviterai
A raconter ne à retrère,
de parler ou de la décrire,
Quar, se je mesler m'en voloie,
Car si je voulais m'en mêler,
Assez tost mesprendre I porroie ;
Je pourrais bien vite m'embrouiller.
Si m'en vient miex tère orendroit
Ainsi vaut-il mieux présentement me taire
Que dire chose qui n'i soit.
Que de dire quelque bêtise.
En la vile avoit .I. boçu,
Il y avait en ville un bossu.
Onques ne vi si malostru ;
Jamais on n'avait vu pareil mufle.
De teste estoit moult bien garnis
Pour ce qui est de la tête, il était vraiment bien pourvu
Je cuit bien que Nature ot mis
Et je crois que Nature avait mis
Grant entencion à lui fère.
Tous ses soins à la lui faire.
A toute riens estoit confrère ;
En lui rien ne s'accordait,
Trop estoit de laide faiture ;
Et il était vraiment difforme ;
Grant teste avoit et laide hure,
Avec une tête énorme et une laide figure,
Cort col, et les espaules lées,
Un cou engoncé dans de larges épaules,
Et les avoit haut encroées.
Qui semblaient accrochées très haut.
De folie se peneroit
Ce serait folie
Qui tout raconter vous voudroit
Que de vouloir vous décrire
Sa façon ; trop par estroit lais.
Son allure, tant il était laid.
Toute sa vie fu entais
Toute sa vie il s'était appliqué
A grant avoir amonceler ;
A amasser de grandes richesses.
Por voir vous puis dire et conter,
En vérité, je peux vous le dire,
Trop estoit riche durement,
Il était immensément riche
Se li aventure ne ment.
Et si le conte ne ment pas,
En la vile n'ot si riche homme ;
En ville, il n'y avait personne d'aussi riche.
Que vous diroie ?
Pour la raison que vous en dire ? C'est son affaire
Du boçu, comment a ouvré.
Au bossu de savoir d'où venait sa fortune.
Por l'avoir, qu'il ot amassé
Pour l'avoir qu'il avait amassé
Li ont donée pucele
On lui donna la jeune fille,
Si ami, qui tant estoit bele ;
Qui était si belle.
Mès, ainz puis qu'il l'ot espousée
Mais jamais depuis qu'il l'eut épousée
Ne fu il .I. jor sanz penssée,
Ne passa-t-il un seul jour sans souci
Por la grant biauté qu'ele avoit ;
A cause de sa grande beauté.
Li boçu si jalous estoit
Le bossu était si jaloux
Qu'il ne pooit avoir repos
Qu'il ne pouvait trouver le repos.
Toute jor estoit ses huis clos ;
Tout le jour il tenait sa porte close
Jà ne vousist que nus entrast
Et ne laissait entrer quiconque
En sa meson, s'il n'aportast,
Qui chez lui n'apportât de l'argent
Ou s'l emprunter ne vousist ;
Ou venait lui en emprunter ;
Toute jor à son sueil séist,
Il passait ses journées assis sur le seuil de sa porte.
Tant qu'l avint à un Noel
Il se trouva, un jour de Noël,
Que trois boçu menesterel
Que trois bossus ménestrels
Vindrent à lui où il estoit ;
Vinrent à lui, là où il était,
Se li dist chascuns qu'il voloit
Et lui dirent chacun qu'ils voulaient
Fere cele feste avoec lui,
Célébrer cette fête avec lui.
Quar en la vile n'a nului
Car il n'y avait personne en ville
Où le deussent fere miex,
Chez qui ils puissent le faire,
Por ce qu'il ert de lor pariex,
Car il était de leur parenté
Et boçus ausi come il sont.
Et bossu tout comme eux.
Lors les maine li sire amont,
Alors, notre homme les mène en haut,
Quar la meson est à degrez ;
Car la maison avait un étage ;
Li mengiers estoit aprestez ;
Le repas était préparé ;
Tuit se sont au disner assis,
Ils se sont tous assis pour dîner,
Et, se le voir vous en devis,
Et en vérité,
Li disners est et biaus et riches :
C'est un dîner excellent et riche :
Li boçus n'ert avers ne chiches,
Le bossu n'était ni avare ni chiche,
Ainz assist bien ses compaignons ;
Aussi traita-t-il bien ses compagnons ;
Pois au lart orent et chapons.
On leur servit pois au lard et chapons.
Et, quant ce vint après disner,
Et quand le dîner fut terminé,
Si lor fist li sires doner,
Notre homme fit donner
Aus. III. boçus, ce m'est avis,
Aux trois bossus, il me semble
Chascun .XX. sols de parisis,
A chacun vingt sous parisis,
Et après lor a deffendu
Et ensuite il leur défendit
Qu'il ne soient jamès veu
De jamais se montrer
En la meson, ne el porpris ;
En la maison ou en l'enclos,
Quar, s'il I estoient repris
Car si on les y prenait,
Il auroient .I. baing cruel
Un bain cruel les attendait
De la froide eve du chanel
Dans l'eau froide du canal.
La meson ert sor la rivière,
La maison donnait sur la rivière
Qui moult estoit granz et plenière ;
Qui était bien large et profonde.
Et, quant li boçu l'ont oï,
Et quand les bossus l'eurent entendu,
Tantost sont de l'ostel parti
Aussitôt ils quittérent la demeure
Volentiers, et à chière lié,
Volontiers et le visage réjoui
Quar bien avoient emploié
Car ils avaient bien employé
Lor jornée, ce lor fu vis.
Leur journée, leur semblait-il.
Et li sires s'en est partis,
Et notre homme s'en alla,
Puis est deseur le pont venuz.
Puis s'installa sur le pont.
La dame, qui ot les boçuz
La dame qui les bossus avait
Oï chanter et solacier,
Entendu chanter et se divertir,
Les fist toz .III. mander arrier,
Les fit tous trois rappeler,
Quar oïr les voloit chanter ;
Car elle voulait les entendre chanter ;
Si a bien fet les huis fermer.
Et elle fit bien fermer les portes.
Ainsi com li boçu chantoient
Comme les bossus chantaient
Et o la dame s'envoisoient,
Et avec la dame se réjouissaient
Ez-vous revenu le seignor,
Voilà que revient le maître de céans
Qui n'ot pas fet trop lonc demor ;
Qui n'avait pas été absent trop longtemps.
A l'uis apela fierement.
A la porte il appela avec force.
La dame son seignor entent,
La dame entend son mari.
A la voiz le conut moult bien ;
A la voix elle le reconnut bien ;
Ne sot en cest mont terrien
Et ne sut en cette terre
Que peust fère boçus,
Que faire des bossus
Ne comment il soient repus.
Ni comment les cacher.
.I. chaaliz ot lez le fouier.
Il y avait un bois de lit près du foyer
C'on soloit fère charriier ;
Qu'on avait coutume de faire transporter ;
El chaaliz ot .III. escrins.
Dans le bois de lit, il y avait trois coffres.
Que vous diroie ? c'est la fins,
Que vous dire ? A la fin,
En chascun a mis .I. boçu.
Dans chacun, elle mit un bossu.
Ez-vous le seignor revenu,
Voilà le maître revenu,
Si s'est delez la dame assis,
Il s'est assis auprès de la dame,
Qui moult par séoit ses delis ;
Dont il fait tellement ses délices ;
Mès il n'i sist pas longuement ;
Mais il n'y resta pas longtemps,
De léenz ist, et si descent
Sortit de la pièce et puis descend
De la meson, et si s'en va.
De la maison, et puis s'en va.
A la dame point n'anuia
La dame n'eut point de peine
Quant son mari voit avaler.
De voir son mari descendre.
Les boçus en vout fère aler,
Elle veut faire partir les bossus
Qu'ele avoit repus ès escrins ;
Qu'elle avait cachés dans les coffres ;
Mès toz .III. les trova estins,
Mais elle les trouva tous trois expirés
Quant ele les escrins ouvri.
Quand elle ouvrit les coffres.
De ce moult forment s'esbahi,
Elle en fut bien ébahie
Quant les .III. boçus mors trova ;
Quand elle trouva morts les trois bossus.
A l'uis vint corant, s'apela
A la porte elle se précipita et appela
.I. porteur qu'ele a avisé ;
Un portefaix qu'elle avisa ;
A soi l'a la dame apelé
Auprès d'elle, la dame la appelé.
Quant li bachelers l'a oïe,
Quand le jeune homme l'eut entendue,
A li corut ; n'tarja mie.
Il courut à elle, sans tarder.
"Amis, dist-ele, enten à moi :
"Ami, dit-elle, écoute-moi :
Se tu me veus plevir ta foi
Si tu me veux jurer ta foi
Que tu jà ne m'encuseras
Que jamais tu ne m'accuseras
D'une rien que dire m'orras,
D'une chose que tu m'entendras dire,
Moult sera riches tes loiers ;
Tu recevras une riche récompense ;
.XXX. livres de bons deniers
Ce sont trente livres en bons deniers
Te donrai, quant tu l'auras fet."
Que je te donnerai, quand tu l'auras fait."
Quant li portères ot tel plet,
Quand le portefaix entendit un tel discours,
Fiancié li a volentiers,
Il jura volontiers,
Quar il covoitoit les deniers,
Car il convoitait les deniers,
Et s'estoit auques enteztez ;
Et était fort intéressé.
Le grant cors monta les degrez.
A toute vitesse, il monta l'escalier.
La dame ouvri l'un des escrins :
La dame ouvrit l'un des coffres :
"Amis, ne soiez esbahis,
"Ami, ne soyez pas étonné,
Cest mort en l'eve me portez,
Portez-moi ce mort dans l'eau,
Si m'aurez moult servi à grez."
Ainsi vous m'aurez rendu grand service."
.I. sac li baille, et cil le prant ;
Elle lui donne un sac, et il s'en saisit ;
Le boçu bouta enz errant,
Et y fourre le bossu sur le champ,
Puis si l'a à son col levé ;
Puis il l'a porté sur ses épaules
Si a les degrez avalé ;
Et a dévalé les marches ;
A la rivière vint corant ;
Il se rendit à la rivière en courant ;
Tout droit sor le grant pont devant,
Tout droit sur le grand pont devant,
En l'eve geta le boçu ;
Dans l'eau, il jeta le bossu ;
Oncques n'i a plus atendu,
Il n'attendit pas davantage,
Ainz retorna vers la meson.
Mais retourna vers la maison.
La dame a ataint du leson
La dame a tiré du petit lit
L'un des boçus à moult grant paine ;
L'un des bossus à bien grand peine.
A poi ne li failli l'alaine ;
Le souffle lui en manqua presque ;
Moult fu au lever traveillie ;
Elle fut bien fatiguée de l'avoir soulevé
Puis s'en est .I. pou esloingnie.
Puis elle s'en est un peu éloignée.
Cil revint arrière eslessiez ;
Et voici le portefaix qui revient en toute hâte ;
"Dame, dist-il, or me paiez ;
"Dame, dit-il, payez-moi maintenant ;
Du nain vous ai bien délivrée.
Je vous ai bien délivré du nain.
- Por quoi m'avez vous or gabée,
- Pourquoi vous êtes-vous donc joué de moi,
Dist cele, sire fols vilains ?
Dit-elle, maître fou vilain ?
Jà est ci revenuz li nains ;
Déjà le nain est revenu ici ;
Ainz en l'eve ne le getastes ;
Vous ne l'avez donc point jeté à l'eau
Ensamble o vous le ramenastes,
Vous l'avez ramené avec vous
Vez-le, se ne m'en créez.
Voyez-le là, si vous ne me croyez pas.
- Comment, .C. déables maufèz,
Comment par cent diables
Est-il donc revenuz céanz ?
Est-il donc revenu céans ?
Por lui sui forment merveillanz ;
J'en suis tout émerveillé :
Il estoit mort, ce m'est avis ;
Il était mort, ce me semble,
C'est un déables antecris,
C'est un diable antéchrist,
Mais ne li vaut, par saint Remi."
Mais qu'à cela ne tienne, par saint Rémi."
A tant l'autre boçu saisi,
Il saisit alors l'autre bossu,
El sac le mist, puis si le lieve
Le met dans son sac, puis le hisse
A son col, si que poi li grieve ;
Sur ses épaules, il n'en sent pas le poids ;
De la meson ist vistement :
De la maison il sort rapidement :
Et la dame tout maintenant
Et la dame tout aussitôt
De l'escrin tret le tiers boçu ;
De tirer du coffre le troisième bossu ;
Si l'a couchié delez le fu ;
Elle le couche tout près du feu :
Atant s'en est vers l'uis venue.
Et se rend aussitôt vers la porte.
Li porterres en l'eve rue
Le portefaix en l'eau précipite
Le boçu la teste desouz :
Le bossu la tête la première :
"Alez, que honis soiez-vous,
"Allez, soyez honni,
Dist-il, se vous ne revenez."
Dit-il, si vous revenez."
Puis est le grant cors retornez,
Puis en vitesse il s'en est retourné,
A la dame dist que li pait.
Réclamer à la dame son paiement.
Et cele, sanz nul autre plait,
Et celle-ci, sans nul autre discours,
Li dist que bien li paiera.
Lui dit qu'elle va bien le payer,
Atant au fouier le mena.
Sitôt au foyer elle le mène
Ausi com se rient ne seust
Comme si elle ne savait rien
Du tiers boçu qui là se jut.
Du troisième bossu qui gisait là.
"Voiés, dist-ele, grant merveille.
"Voyez, dit-elle, grande merveille !
Qui oï ainc mès la pareille ?
Qui donc entendit jamais la pareille ?
Revèz là le boçu où gist."
Regardez, le bossu est encore couché là."
Li bachelers pas ne s'en rist,
Le jeune homme ne rit pas
Quant le voit gesir lès le fu.
Quand il le vit étendu auprès du feu :
"Voiz, dist-il, por le saint cueur bu,
"Vois donc, dit-il, par le saint corps de Dieu !
Qui ainc mès vit tel menestrel ?
Qui vit jamais un ménestrel semblable ?
Ne ferai-je donc huimès el
Ne ferai-je donc aujourd'hui
Que porter ce vilain boçu ?
Que porter ce vilain bossu ?
Toz jors le truis ci revenu,
Toujours ici je le retrouve revenu
Quant je l'ai en l'eve rué."
Alors que je l'ai précipité dans l'eau."
Lors a le tiers ou sac bouté ;
Il fourra alors le troisième dans le sac,
A son col fierement le rue :
Et le mit avec rage sur son dos :
D'ire et de duel, d'air tressue.
La colère et la fureur l'agitent violemment.
A tant s'en torne iréement ;
Il s'en retourne, plein d'irritation,
Toz les degrez aval descent :
Rapidement il descend les marches ;
Le tiers boçu a descarchié ;
Il a déchargé le troisième bossu,
Dedenz l'eve l'a balancié :
Dans l'eau, il l'a balancé :
"Va-t-en, dist-il, au vif maufé,
"Va-t-en, dit-il, au diable vif,
Tant t'averai hui conporté ;
Tant je t'aurai aujourd'hui porté ;
Se te voi mès hui retenir.
Si jamais je te vois aujourd'hui revenir ;
Tu vendras tart au repentir.
C'est trop tard que tu t'en repentiras.
Je cuit que tu m'as enchanté ;
Je crois que tu m'as ensorcelé,
Mès, par le Dieu qui me fist né,
Mais par Dieu qui me fit naître,
Se tu viens mes hui après moi
Si jamais aujourd'hui tu viens après moi,
Et je truis baston ou espoi,
Et que je trouve bâton ou épée,
Tel te donrai el haterel,
Je t'en frapperai sur le crane,
Dont tu auras rouge bendel."
Qui en portera la marque sanglante."
A icest mot est retornez,
A ces mots, il se retourna,
Et fus en la meson montez ;
Et se dirigea vers la maison ;
Ainz qu'eust les degrez monté,
Avant qu'il eut monté les marches,
Si a derrier lui regardé,
Il regarda derrière lui,
Et voit le seignor qui revient.
Et vit le maître de céans qui revenait.
Li bons hom pas à geu nel tient ;
Le bonhomme ne goûte pas la plaisanterie :
De sa main s'est .III. foiz sainiés,
De sa main, il s'est trois fois signé,
Nomini Dame Diex aidiéz ;
Appelant à l'aide au nom du Seigneur Dieu ;
Moult li anuie en son corage,
Il en est tout bouleversé.
"Par foi, dist-il, cis a la rage
"Par ma foi, dit-il, celui-ci est bien enragé
Qui si près des talons me siut
Qui si près des talons me suit
Que par poi qu'il ne me consiut.
Qu'à peine me quitte-t-il.
Par la roele saint Morant,
Par la rotule de saint Maurand,
Il me tient bien por païsant,
Il me tient bien pour rustre
Que je nel puis tant comporter
Que je ne le puis si bien transporter
Que jà se vueille deporter
Que déjà il se veuille amuser
D'après moi adès revenir."
Aussitôt à revenir après moi."
Lors cort à ses .II. poins sesir
Il court alors pour des deux mains saisir
.I. pestel qu'à l'uis voit pendant,
Un marteau qu'il voit pendant à la porte,
Puis revint au degré corant
Puis revient aux marches en courant.
Li sires ert jà près monté :
Le maître était déjà presque monté :
"Comment, sire boçus, tornez ?
"Comment, Monsieur le bossu, êtes-vous revenu ?
Or me samble ce enresdie ;
Cela me semble d'un naturel bien entêté ;
Mès, par le cors sainte Marie,
Mais par le corps de Notre Dame,
Mar retornastes ceste part ;
Vous avez eu tort de retourner cette fois ;
Vous me tenez bien por musart."
Vous me prenez bien pour un sot."
Atant a le pestel levé,
Il leva alors le marteau
Si l'en a .I. tel cop doné
Et lui donna un tel coup
Sor la teste, qu'il ot moult grant,
Sur la tête qu'il avait si grande,
Que la cervele li espant ;
Que la cervelle s'en répandit ;
Mort l'abati sor le degré,
Il l'abattit définitivement sur les marches.
Et puis si l'a ou sac bouté ;
Et puis il l'a fourré dans le sac ;
D'une corde la bouche loie ;
D'une corde il en a lié l'ouverture ;
Le grand cors se met à la voie ;
En vitesse il se met en route ;
Si l'a en l'eve balancié
Et donc, il l'a balancé dans l'eau
A tout le sac qu'il ot lié ;
Avec le sac qu'il avait attaché ;
Quar paor avoit duremant
Car il avait terriblement peur
Qu'il encor ne l'alast sivant.
Qu'il n'allât encore le suivre.
"Va jus, dist-il, à maléur ;
"Va au fond, dit-il, à malheur !
Or cuit-je estre plus asséur
Je crois bien être plus sûr
Que tu ne doies revenir,
Que tu ne reviendras pas
Si verra l'en les bois foillir."
Que de voir les bois reverdir."
A la dame s'en vint errant ;
Il s'en vint aussitôt vers la dame ;
Si demande son paiemant,
Pour lui réclamer son paiement,
Que moult bien a son commant fet.
Puisqu'il a très bien exécuté ses ordres.
La dame n'ot cure de plet ;
La dame ne fit point de discours,
Le bacheler paia moult bien
Elle paya fort bien au jeune homme
.XXX. livres ; n'en falut rien ;
Les trente livres, il n'en manqua pas une ;
Trestout à son gré l'a paié,
Complètement à son gré elle l'a payé ;
Que moult fu lie du marchié ;
Combien joyeuse fut-elle du marché,
Dist que fet a bone jornée,
Disant qu'il fait une bonne journée
Despuis que il l'a délivrée
Depuis qu'il l'a délivrée
De son mari, qui tant ert lais.
De son mari qui était si laid.
Bien cuide qu'ele n'ait jamais
Elle croit bien qu'elle n'aura jamais
Anui, nul jor qu'ele puist vivre,
De chagrin, aucun jour de la vie
Quant de son mari est delivre.
Puisqu'elle est délivrée de son mari.
Durans, qui son conte define,
Durand qui termine son conte
Dist c'onques Diex ne fist meschine
Dit que jamais Dieu ne créa fille
C'on ne puist por denier avoir,
Qu'on ne put avoir pour de l'argent ;
Ne Diex ne fist si chier avoir,
De même, Dieu ne fit bien si précieux,
Tant soit bons ne de grant chierté,
Si estimable ou de grand prix soit-il,
Qui voudroit dire vérité,
A dire la vérité,
Que por deniers ne soit eus.
Qui pour de l'argent ne puisse s'acquérir.
Por ses deniers ot li boçus
Avec ses deniers, le bossu eut
La dame qui tant bele estoit.
La dame qui était si belle.
Honiz soit li homs, quels qu'il soit,
Honni soit l'homme, quel qu'il soit,
Qui trop prise mauvès deniers,
Qui trop apprécie les mauvais deniers
Et qui les fist fère premiers.
Et qui le premier les fit frapper.
AMEN
AMEN
(Explicit des .III. Boçus menesterels).
Explicit de la Farce des trois bossus.